DouarnenewzLa Philosophie

Mes premiers Gras

DOUARNENEWZ #1

« Les aventures d’Ivan douarnenewiste à Douarnenez »


Toutes les illustrations ont été générées grâce à des intelligences artificielles. (cf via bas de page)


Premiers Gras

Ivan vit à Douarnenez depuis 6 mois et il le sait « pour devenir douarneniste, il faut avoir vécu de longs hivers et des carnavals ! ». C’est un pêcheur qui lui a dit chez Bidüles. C’est son premier long hiver, il voit très bien à quoi cela ressemble. En revanche, pour les Gras, le carnaval douarneniste, il est incapable de se projeter. Il sait simplement que tout Douarnenez et ses environs se rassemblent pour cinq jours d’hallucination collective. Ça a l’air complètement dingue et c’est dans un mois !

Suspense

Deux semaines avant le jour G, Ivan boit un verre avec Steeve chez Jeanine. « Nikéa ! Tu vois un mélange de Nike et d’Ikéa ! Avec une raquette de tennis, une moustache et une perruque blonde à cheveux longs… ». Steeve est très heureux d’avoir enfin trouvé son déguisement.

Il ajoute « évite le style Bob l’éponge sanglé de matelas, le dernier qui a fait ça est mort après être tombé dans le port. Les matelas ont pris l’eau, il a coulé.

Steeve

Paul approche et engage la conversation. Lui aussi est prêt, lui aussi a trouvé ses tenues. Il va se déguiser en femme et sa compagne en homme. C’est un grand classique ! Mais il y aura plusieurs métamorphoses, il a prévu un style voire deux par jour… Ivan encore vierge demande : « Et ça se passe toujours bien le Carnaval ? » Steeve, habitué du rituel, répond : « Ben y a bien ce groupe de lesbiennes ou je ne sais quoi féministes qui viennent de s’installer et qui sont contre l’appropriation culturelle des femmes par les hommes. Elles ont même tapé des mecs déguisés en femme l’an dernier. C’est le seul truc. Mais je crois que la situation a été gérée par le comité des gras et que le déguisement est comme toujours totalement libre. ». Il ajoute « évite le style Bob l’éponge sanglé de matelas, le dernier qui a fait ça est mort après être tombé dans le port. Les matelas ont pris l’eau, il a coulé. »

Ivan a raté toutes les brocantes, mais compte sur la malle à déguisement de son fils et sur les créations que son ami couturier lui a léguées.

Place des Halles

Tout le village s’est réuni Place des Halles. C’est bondé mais ça respire. La météo est clémente, Ivan, en famille, avec sa mère, sa moitié Luc et leurs fils, attendent perdus dans la nuée. Tout le monde est déguisé et impatient de découvrir le Den Paolig 2023. Tous les ans, le comité des gras se réunit et choisit la personnalité locale à rayer et la transforme en statue de papier mâché. C’est une tradition locale qui a toujours existé. Ivan est retombé en enfance, il se souvient de ces premières fêtes de village. Les yeux dans le vague, il se demande pourquoi il n’est pas déjà en tenue de carnaval.

Tiens Bernard, t’es prêt pour ton premier encadrement de carnaval. Tu vas aller à Douarnenez. Je ne t’en dis pas plus, tu vas voir, tu vas bien rigoler !

Colonel en chef

La fanfare et les tambours rythment l’avancée du Den Paolig. Cette année, l’élue, c’est Morgane Nicolas, la patronne du bistrot des Halles et des Loups des mers. Son pastiche géant ressemble à Amy Winehouse. Il arrive en grande pompe sur un char au milieu de la place. L’ambiance est familiale et joyeuse. Quelques gendarmes encadrent les festivités d’un œil curieux. La rumeur dit qu’ils sont envoyés ici en première mission, certains en bizutage. « Tiens Bernard, t’es prêt pour ton premier encadrement de carnaval. Tu vas aller à Douarnenez. Je ne t’en dis pas plus, tu vas voir, tu vas bien rigoler ! ».

L’immense Morgane-Amy est doucement hissée puis suspendue au fronton des Halles. La foule explose ! Sous son chignon haut noir luisant, elle porte des boucles d’oreille en forme du logo-biscuit BN, une robe en tissus noir à poids blanc et des grosses Nike type Air Force basses blanches. À bout de bras sur un plateau une bouteille de Coca-Cola géante et au bout des ongles encore des logos Coca-Cola. De l’autre main, elle tend une coupe argentée. Certains commentateurs y voient une ode capitaliste, d’autres le life-style d’Amy Winehouse ou de Morgane. Ivan prépare une théorie mais le débat coupe court car le spectacle continue. Une famille aux couleurs et au style espagnol, les Sanchez, prend place. Dans le périmètre délimité par les barrières, le chef de la famille harangue le village et présente le nouveau Den Paolig. C’est drôle, c’est le cirque. C’est parti pour les Gras 2023 !

Transmutation

Les enfants sont couchés et gardés par Mémé. Ivan et Luc rejoignent leurs amis voisins Bonnie et Clyde qui sont avec leur cousine Amber. Déguisés, ils dînent, se maquillent et rejoignent le centre-ville. Ils passent devant le Bolomig, la statue qui ouvre le bal. C’est encore calme mais déjà animé : quelques paquets de déguisés, des grappes en groupe, des éclats de rire et un peu de musique rétro des années 90. Cynique, Clyde, habillé black-block félicite un gendarme pour son déguisement. L’homme bleu ne rougit pas. Derrière lui, neuf quilles sur pattes se mettent en place. Une boule-femme est lancée ! Spare ! La boule revient au point de lancement et les quilles tombées quittent la zone de tir. Alice aux pays des merveilles montre du doigt un trou dans le sol. Amber en mini-jupe noire marche d’un pas décidé et draine nos oiseaux de nuit amusés.

Ivan n’avait jamais vu autant de vie dans ce beau bourg, même en été. Il y fait souvent des photos où les rues sont désertes.

Ils arrivent au bord de la mer. Rien de spectaculaire, comme en chemin, rien qu’un enchaînement de points chauds. Où est la fête ? Les infos se glanent à droite à gauche, c’est le bazar en vrai. Tout le monde cherche tout le monde. Retour vers les Halles, ils suivent un banc de sardines, sur sa droite en sens inverse, un homme téléviseur cherche sa télécommande. Partout des perruques bariolées, des sourires et des yeux complices. Ivan n’avait jamais vu autant de vie dans ce beau bourg, même en été. Il y fait souvent des photos où les rues sont désertes.

Arrêt à l’angle. Face à eux, une équipe d’ouvriers menée par leur chef se prépare à déplacer un immeuble qui fait de l’ombre à une terrasse bondée. Échelle sur le mur, un homme casqué, blouse bleue, ausculte le bâtiment. Une voix sortie d’un talkie walkie annonce qu’il fait nuit et que bouger l’immeuble ne changera rien. Son de crash électronique. SHHH. L’équipe s’en va, sautille, disparaît.

Sur le port c’est la marée humaine maintenant. Il commence à pleuvoir. Devant chez Jeanine, Bonnie et Clyde captent une conversation qui les invite à rejoindre le Flimiou, le restaurant ouvrier branché. C’est à une dizaine de minutes. « Ça joue club, techno… » il paraît. Excellente nouvelle ! Une astronaute casquée valide l’idée d’un clin d’œil et continue sa déroute au milieu de la voie pavée.

C’est une cellule de danse auto-alimentée. Vertueuse. Un bouillon de fête isolé en pleine prolifération.

Devant le Flimiou, enfin la danse en pleine rue. La terrasse en bois est couverte de parasols et de joyeux danseurs. Un œil sur Amber notre dansomètre : « c’est trop cheesy ! » Alors ils bougent et bourlinguent vers les Halles. Dans le sac de nœud du centre ville, les choses sérieuses commencent. Une queuleuleu les bouscule et les détourne vers un groupe de corps qui flottent sous une ligne de trois parasols rouges. Clyde s’approche grand sourire et observe de près la structure. C’est une méduse avec des morceaux de bâche noire sur les côtés. Elle a une vingtaine de jambes. Ivan passe une tête dans la chose. Il fait chaud, les gens sont hilares. Il n’y a pas de musique, juste un peu de lumière, seulement le bruit du froissement des parois et des corps. C’est une cellule de danse auto-alimentée. Vertueuse. Un bouillon de fête isolé en pleine prolifération. Amber n’en a que faire, derrière son masque de corbeau, elle dévale la rue.

Au pied des grands escaliers, un homme est devenu une table d’appoint ronde en bois. Il a une lampe allumée le pied sur un napperon brodé. Il est avec sa copine, la lampe-femme sur pied torsadé avec son grand abats-jour. C’est le rayon luminaire. Sortis de nulle part, des poms-poms girls, deux curés et des secouristes se lancent dans une partie de « chat ». Ils se courent après. Chat ! Un homme radar mobile tente de les ralentir avec ses flashs, sans succès. Au sol, derrière une ligne de secouristes professionnels, un premier brancard, curieusement la personne qu’il contient est déguisée en secouriste. L’ambiance devient folle, la réalité commence à collapser, le délire omniscient à tout retourner. Luc appuie sur la touche ESC.

Let’s Dance !

En pente douce à nouveau vers le Rosmeur, un beat saisit le ventre et les oreilles. Volte-face, les yeux brillent, face à eux un groupe de danseurs vifs s’agitent autour d’un caddie rempli d’une enceinte. Ça sent l’Amérique du Sud, le ghetto, le baile funk. Grosse basse, flow saccadé et chaloupé. Amber valide direct et se frotte au crew de danseurs. Grosse, grosse énergie. Ivan jubile et pour la première fois, il cesse de tenter de comprendre ce qu’il se passe.

Sur le pavé en pente raide maintenant, les jambes d’Amber se déplient en rythme. Elle s’éclate, parfois technique, elle épouse le son

En plein crachin, les lampadaires diffusent une lumière sublime. Le sound-system s’immobilise et l’image se transforme en un véritable clip vidéo. Les danses sont personnelles et individualisées. L’Ensemble est urbain, mixte, diversifié, multi-âge. Il rayonne et tout devient beau. Un danseur se démarque en tête de gondole. Féminin-masculin, longiligne, il vogue, les bras toniques dans son marcel blanc. En guise de couvre-chef, un bijou, une couronne arabisante avec de courtes nattes en strass. Derrière le Dj, sur le pavé en pente raide maintenant, les jambes d’Amber se déplient en rythme. Elle s’éclate, parfois technique, elle épouse le son, son corps en redemande et diffuse une onde électrique. Intriqué, Clyde jubile et Bonnie rit en toupie. Ivan est pris lui aussi. Timide, il enchaîne les passes de coupé-décalé, un peu à l’écart, dos à la baie. Il frissonne de joie. Trois quatre morceaux s’enchaînent et encore le son se déplace. Avides de vibrations fortes, la horde suit la mise en bouche.

Ivan s’aventure alors sur le quai. Il divague et prend conscience qu’il est seul. Depuis quand ? Derrière lui, la nuit s’est totalement emparée de la rue. Vu du dessus c’est un cerveau en ébullition, des lumières tortueuses filent dans tous les sens. Ça grouille, ça tort et à travers. Vision chaotique de la chimie du bonheur en action. Ivan avance au milieu de corps qui flottent dans une dimension parallèle. Incapable de communiquer, il continue de marcher. Il réfléchit à ne rien penser, parfois en boucle, il tourne en rond et s’en rend compte, c’est la débâcle absolue. Il continue sa progression et la pluie cesse.

« Une piste de danse bondée je connais, je peux en trouver facilement, mais là, danser éclairé par des militaires au milieu de la rue sous les étoiles, franchement ça c’est rare ! »

Au Flimiou. Le dance-floor déborde sur la route et les gendarmes dans leur véhicule bleu noir commencent à se sentir à l’étroit. Plein phare, ils éclairent la piste de danse. Bécassine de Bécassine, c’est ma cousine, rejoint Ivan en plein groove: « Viens sous les parasols, sur le « vrai dance-floor ». Il rétorque en pleine montée: « Une piste de danse bondée je connais, je peux en trouver facilement, mais là, danser éclairé par des militaires au milieu de la rue sous les étoiles, franchement ça c’est rare ! » Elle rigole et s’en va. La brigade ferme les portes de leur caisse, avance et à faible allure frôle les danseurs. Tout le monde se comporte comme s’ ils n’existaient pas alors ils disparaissent. C’est là que commence le documentaire sur les méfaits de l’alcool. À droite, Luc Skywalker, version fin de carrière. Bedonnant, il cherche comment ranger son sabre laser sans renverser sa pinte, comment boire sans sabre laser, comment faire avec ce fichu sabre laser. Il hésite et finit par glisser le manche dans son pantalon, sous sa panse à gauche pour enfin à deux mains boire de qu’il reste de sa bière…

La pluie se met à bruiner, Ivan tire sa révérence et sa grande capuche. Un pied devant l’autre, il recroise la méduse mini-dance-floor, Luigi, Mario, Jack Sparrow, Donatello, Son Goku et Amy Winehouse mais pas ses amis.

Déferlante populaire

Dimanche, rebelote place des Halles bondée. Il fait beau et froid. Les voiturettes-aspirateurs ont bien travaillé, Douarnenez est propre c’est incroyable, comme si rien ne s’était passé la veille. Aujourd’hui déguisé en cycliste : casquette, pantalon, cape de pluie et doudoune sans manche jaune à motif pied-de-poule noir, notre douarnenewiste attend comme tout le monde le défilé des Gras. Pendant que Maryline Monroe taxe une roulée à Bernadette de La vie est un long fleuve tranquille, Ivan sort son gobelet au bar extérieur du Poulig. Point jaune dans la nuée, il prend du recul et constate du nombre de personnes présentes et déguisées. Encore une fois il est ému par la bonne ambiance qui règne. Frisson comme un doux glitch dans la matrice, un ensemble joyeux et libre.

Les chars approchent. Tortue Géniale passe en coup de vent sur le parcours encore vide. Et c’est parti pour un ballet de deux heures. C’est surréaliste, situationniste, post-futuriste. Il y a des couleurs, des sourires, de la libération, des enfants, des jeunes, des vieux, de la danse, une pyramide. Les décors sont travaillés, les acteurs engagés, ils se donnent à fond. L’attention est totale, le temps devient impératif et l’espace réduit en un seul point. La ritournelle est en place. Ivan danse sur place et voilà une énorme montagne qui neige, de faux pesticides, des musiques entraînantes, de la danse encore, synchronisée. 27 chars en tout. Wow.

Seul au soleil Ivan dansouille, il joue avec ses souvenirs, toutes ces images folles de la veille.

La foule migre, Ivan et un petit groupe rejoignent les auto-tamponneuses installées pour l’occasion place de la Résistance. Zigzag dans la foule intelligente et pacifique, puis stop en terrasse au soleil devant le Nul Part Ailleurs. Gobelets consignés, bières. Les enfants s’amusent à se rentrer dedans dans leur mini-bolide. Chanceux, Ivan croise les yeux de son fils déguisé en agent secret. Il est heureux, il rit à gorge déployée avec ses potes. Ivan frissonne, il a 7 ans avec lui. Seul au soleil Ivan dansouille, il joue avec ses souvenirs, toutes ces images folles de la veille. Les enceintes sont puissantes et diffusent un son clubbing très commercial. La perspective que ce chaos sympathique dure encore quelques jours l’enchante.

« Mardi, c’est Mardi Gras ! Toute la ville va sortir. C’est le meilleur moment pour vraiment sentir Douarnenez. Y aura que des gens d’ici! » lui confie Barbara à côté du stand de Chichis. Plus loin il y a des machines pour tester sa force, des « punching ball ». Ivan inspiré se retourne et insère 2 euros. Il frappe comme lui a appris son coach, avec le poids des hanches. Baaam !

Oasis

Aujourd’hui c’est « la course des garçons de café ». Une série de défis pour départager les équipes des différents bars de la ville. Place des halles, accompagné de ses deux enfants, Steeve est pressé d’être déjà demain. Il sera célibataire et sans charge mentale. Il sera Nikéa, champion de tennis suédois super en forme. Ivan en long peignoir grande capuche motif Mondrian en famille déguisée se nourrit de bière et de l’animation qui l’entoure. Les premiers participants au concours passent leur première épreuve au café des Halles. Il s’agit de dessiner avec son nez pour faire deviner des mots. C’est fendard. Les Tortues Ninjas traversent la place au pas de course. Cowabunga ! Une bande de poules aussi… Chez Ar Men, sur le quai en terrasse, la compétition est un cran au-dessus, avec un parcours à faire avec un plateau et des verres remplis façon « Interville ». Au Filets Bleus c’est à l’intérieur que cela se passe. Depuis la jetée c’est incompréhensible. Irradiée par les derniers rayons du soleil, la troupe profite du calme après la tempête, du calme avant la tempête. L’entre deux. Demain c’est Mardi Gras, la fête ! Ce soir ils resteront calmes, encore. Avant ça direction les auto-tamponneuses !

Big Fish

C’est le dernier jour. Ivan est très en forme. Ce soir c’est la fête alors il ressort sa tenue de samedi soir. Il n’a croisé aucune connaissance ce soir-là, ce look reste inédit. Il est composé d’un costume trois pièces, futuriste couture, bleu et noir en cachemire. Il a de cheveux longs verts, des Reebok-pump vertes et un masque bleu-noir sur la bouche.

Aux Halles. Ivan et Luc se joignent à la file pour entrer dans la salle des fêtes. Ils n’y sont encore jamais allés. Tout le monde est déguisé. Luc porte sa robe à sequins rose et sa perruque bleue. Il y a beaucoup de jeunes très excités. Sur la place Amy plane au-dessus des gens et sa robe légère fait la trinquette au vent. Il fait presque doux. Une fois à l’intérieur, le son commercial agite le couple comme quelques danseurs mais rapidement ils doivent s’extraire, c’est trop. Trop sérieux, commercial. Sur la place l’ambiance est beaucoup plus simple et détente. Comme une fin de film avec tous les protagonistes excentriques croisés pendant la semaine. L’heure n’est toutefois pas aux flash-back. La fête continue.

Thierry, un grand monsieur déguisé en capitaine au long cours, peste. Il regarde les gendarmes et s’adresse à Ivan en pleine conversation au sujet de la caméra de surveillance sur l’aire de jeu pour enfants. « Ça fait 15 ans que je suis parti. Là je reviens. J’ai jamais vu ça. Tu te rends compte, des gendarmes en arme, une arme de guerre ici à Douarnenez. Ils ont peur de quoi ? » invective le vieux loup de mer. « Heureusement c’est un militaire, il sait se maîtriser. C’est pas un jeune flic. » dit Ivan. La défiance enchaîne: « Non mais tu te rends compte, revenir vivre ici pour voir ça… et je ne te parle pas de la musique dans cette espèce de salle des fêtes! C’est lamentable! ». Sans transition, il retrouve un homme de son âge qui l’invite à partager sa colère. « Tu te rends compte, une arme de guerre.. ! »

Tu te rends compte, des gendarmes en arme, une arme de guerre ici à Douarnenez. Ils ont peur de quoi ?

Thierry

Juste à côté, le Malamock est en transe. Ça danse sur les tables. Ivan et Ewen s’y glisse par la fenêtre. L’air est liquide et chaud. Steeve aka Nikéa débarque hyper content avec sa raquette de tennis sous le bras. Des yeux, il donne du bonheur à tout le monde, il virevolte, sourire à pleine dents. Ivan prend l’air et rencontre un douarneniste pure souche. Il évoque le carnaval et Douarnenez. Il vit ici, est né ici, et a grandi ici. Grâce à la politique de la ville, il a pu voyager, aller à l’étranger, faire du ski. « Tu te rends compte, c’est la ville qui a tout pris en charge. Mes parents n’auraient pas pu. ». Ses yeux brillent. Il termine en déplorant que les bars soient maintenant obligés de fermer à 2 heures. « Avant ils étaient ouverts toute la nuit ! »

Il y a beaucoup d’amour ici et le Den Paolig flotte toujours au-dessus de l’agora. La fête continue sous la surveillance de gendarmes armés.

Feu de joie

Dernier soir. Portés par les applaudissements une équipe décroche la géante Morgane-Amy. Sur son char, elle commence sa procession vers la mer. Luc, Ivan et leurs deux fils marchent au rythme de la fanfare et des chants. De retour dans un monde coloré, joyeux, imprévisible. Ils rigolent jusqu’au quai emportés par la foule maintenant hyper compacte.

Sur le Rosmeur, tous suivent ou regardent passer la magnifique poupée. Elle entame son dernier virage et s’avance sur la cale. La voilà sur le sable, prête à disparaître pour toujours. D’immenses flammes surgissent alors accompagnées d’une fumée dense. La rumeur emplit le port. Tout le monde tente de voir au mieux, de prendre La photo. Le feu commence à complètement ronger l’emblème de cette terrible semaine. La fête est terminée. Merci Douarnenez !

Étincelle éternelle

C’est une tempête de joie qui a pris corps pendant ce carnaval. La première pour Ivan et sa famille. Partout, elle a laissé des traces. En ville, des graffitis, des confettis et dans les esprits et dans les corps, des souvenirs impérissables.

Maintenant, quand Ivan va chercher son café, qu’il descend au port, qu’il va faire ses courses, les yeux ont changé, les regards sont plus coquins presque, complices en tout cas. La ville est sous le charme.

Elle est folle et cultive en secret cet événement hors norme depuis la nuit des temps.

Elle est folle et cultive en secret cet événement hors norme depuis la nuit des temps. En fil rouge, elle perpétue le sens du décrochage, de la remise en question des codes et du savoir-faire de la fête. Au quotidien, elle résiste contre la censure policée, l’auto-censure, le commercial et la pression policière qui nous l’avons vu gagnent du terrain.

Même très tôt le matin dans les rues de Douarnenez, Ivan ne marche plus seul. Partout sa mémoire lui rappelle la fantaisie, l’exubérance, les mythes urbains, les êtres humains qui vivent ici avec lui.

FIN.

Source
DALL-ENight Cafe
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